le 3 février 2022
Frank Ribuot
Pour un choc de confiance, accompagner le retour à l’emploi des publics qui en sont éloignés

Le Conseil économique, social et environnemental français vient de formuler 20 préconisations pour faire face aux tensions de recrutement. Les personnes éloignées de l’emploi représentent un vivier de compétences à explorer pour répondre aux pénuries de main-d’œuvre.

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Le marché de l’emploi traverse un paradoxe. Alors que le taux d’emploi en France atteint actuellement un niveau historiquement élevé, une part importante de la population reste touchée par le chômage de longue durée. Une tendance structurelle depuis de nombreuses années.

Les situations de chômage de longue durée revêtent des réalités très différentes. Pôle emploi évalue à 2 millions le nombre de personnes qui rencontrent des obstacles dans leur retour à l’emploi en raison de “freins sociaux” liés à des problèmes d’illectronisme, de santé, de mobilité, de précarité financière, de famille, ou encore de logement. Le marché de l’emploi est très exigeant, il est parfois compliqué, pour des personnes vulnérables ou au parcours de carrière atypique, d’y (re)trouver leur place.

Pourtant, et en particulier dans un contexte de tensions sur les recrutements, ces personnes représentent un vivier de talents potentiellement délaissé par les entreprises.

Une révolution culturelle : s’ouvrir à tous les profils

Au-delà des initiatives pour lever les freins à l’emploi comme les chèques numériques, les aides financières à la mobilité et au permis de conduire, c’est une mutation des mentalités qu’il faut opérer pour que les recruteurs s’ouvrent à des profils différents.

Pendant trop longtemps, nous nous sommes collectivement reposés sur le secteur associatif et les acteurs de l’insertion. Leur action reste capitale en matière de détection des talents et d’accompagnement. Mais il faut néanmoins réussir à faire évoluer la perception, et plus particulièrement celle des employeurs publics et privés, sur les fragilités individuelles des travailleurs.

Engager une politique d’inclusion ambitieuse dans ses recrutements est un atout formidablement mobilisateur. Cela permet une plus grande adhésion des salariés au projet collectif de l’entreprise, une amélioration du taux d’engagement et de la productivité. Au Royaume-Uni, une expérience menée auprès d’aidants britanniques a permis de quantifier de façon spectaculaire l’impact individuel et collectif de ces stratégies : amélioration de la productivité dans 69% des cas, réduction de l’absentéisme, augmentation du taux d’engagement des salariés à 85%, etc.

L’ensemble des acteurs de l’emploi – Etat, collectivités, partenaires sociaux, acteurs associatifs, entreprises – doit comprendre que les personnes les plus vulnérables représentent une véritable opportunité au service de la performance des entreprises.

La collaboration de tous les acteurs de l’emploi d’un territoire, facteur de performance pour lutter contre le chômage

La lutte contre le chômage se joue au niveau des bassins d’emploi, soit dans un rayon maximum de  30 kilomètres autour du lieu de vie des candidat(e)s. La collaboration entre tous les acteurs est capitale pour répondre à l’évolution des besoins en recrutement. En agissant de façon concertée dans les territoires, nous serons collectivement en capacité de relever les défis qui nous attendent : évolution des compétences, mobilité, difficulté de recrutement, chômage de longue durée… Alors que les fractures territoriales et sociales ne cessent de se creuser, chacun a un rôle à jouer. Au-delà de la réduction du taux de chômage, notre capacité collective à créer de la valeur et à transformer notre économie permettra de répondre aux enjeux de croissance et de durabilité de ces prochaines années.

Pour la collectivité, le retour à l’emploi durable permet un renforcement des ressources fiscales et sociales, une baisse du nombre de situations individuelles de précarité, ainsi qu’une réduction des tensions sur le marché du travail, notamment dans des secteurs stratégiques comme le bâtiment ou l’industrie.

Notre pays entre dans un moment propice au débat et à la réflexion citoyenne. Utilisons ce moment pour bousculer nos représentations et imaginer le marché de l’emploi de demain, plus collaboratif et surtout plus inclusif.

Faisons confiance aux collectivités et opérateurs de l’Etat qui agissent au quotidien pour lever les freins périphériques (mobilité, logement, garde d’enfants…). Faisons confiance au tissu associatif pour préparer et soutenir les candidats. Faisons confiance aux agences d’emploi et aux acteurs de l’insertion pour collaborer au plus près du terrain et accompagner les candidats sur le chemin de l’emploi. Enfin faisons confiance aux Françaises et aux Français qui se battent tous les jours pour retrouver un emploi !

 

Frank Ribuot

Président du Groupe Randstad France et d’Ausy

 

Tribune initialement publiée le 16 janvier 2022 dans le quotidien économique français Les Echos.