
Dans un monde du travail en constante évolution, la crise sanitaire a mis en lumière un aspect fondamental de l’entreprise : son rôle de lieu de socialisation. Après des périodes d’isolement et de travail à distance, on redécouvre aujourd’hui l’importance des interactions humaines, du collectif et du lien social au sein des organisations. Laurence Breton-Kueny, DRH du Groupe Afnor, Vice-présidente de l’ANDRH et Vice-présidente Plaine Commune Promotion, partage sa vision sur cette redécouverte et les enjeux RH qui en découlent.
Cinq ans après la crise sanitaire, certaines entreprises choisissent de réduire, voire de supprimer le télétravail. Y voyez-vous une tendance de fond ?
Le Covid a transformé nos habitudes de travail, mais ce que nous avons connu n’était pas du télétravail à proprement parler. C’était un travail à distance imposé, dans des conditions souvent inadaptées. Aujourd’hui, certaines entreprises reviennent en arrière car elles constatent que l’équilibre entre flexibilité et collectif n’est pas toujours facile à maintenir. L’individu tend à privilégier sa sphère personnelle, ce qui peut affaiblir la dynamique collective.
Or, l’entreprise n’est pas qu’un lieu de production : c’est aussi un espace de socialisation essentiel. La présence physique favorise les interactions spontanées, la transmission des savoirs et la création de liens, autant d’éléments indispensables à l’engagement et à la cohésion des équipes.
Comment cela se traduit-il à l’Afnor ?
A l’Afnor, nous ne parlons pas de télétravail mais de « travail occasionnel à distance » (TOAD). Le sujet n’est pas nouveau pour nous, puisque nos premiers accords remontent à 2011. Ils ont ensuite évolué avec l’accélération de la transformation numérique, via une charte annuelle répondant aux attentes de flexibilité des collaborateurs, avec différentes formules. Ainsi, depuis 2022, nous proposons un TOAD pour les femmes enceintes et les aidants, conformément à la loi Rixain, et dans notre accord de 2025, nous avons introduit le TOAD pour les femmes souffrant de douleurs menstruelles.
Nos collaborateurs éligibles au TOAD doivent être présents sur site au minimum 3 jours par semaine. L’ANDRH a d’ailleurs toujours recommandé de ne pas dépasser 2 jours de télétravail par semaine, ne serait-ce que pour préserver le collectif de travail et la sérendipité : on se voit autour d’un café, un sujet en appelle un autre, et c’est ainsi que les idées naissent… La productivité augmente quand on commence à travailler en télétravail mais ensuite, elle diminue, parce que l’on n’est plus oxygéné. N’oublions pas que l’humain est un « animal social » ! Notre score d’engagement et notre taux d’absentéisme inférieur à 4% laissent penser que nos salariés sont satisfaits des conditions proposées.
Quels grands sujets voyez-vous émerger en 2025 pour la fonction RH ?
Le sujet de la santé mentale est un enjeu de plus en plus prégnant. Dans la définition de l’Organisation mondiale de la santé, la santé est « un état de complet bien-être mental, physique et social ». Ces trois dimensions sont indissociables et l’on redécouvre aujourd’hui, après les années Covid, combien l’entreprise joue un rôle central dans la vie des collaborateurs. Ce sont d’ailleurs les plus jeunes qui ont été les plus affectés par les confinements dans leur construction sociale et affective, avec des conséquences visibles aujourd’hui encore.
Depuis très longtemps, nous avons une politique de détection des signaux faibles, et la santé mentale est intégrée dans notre accord égalité professionnelle et QVT. Récemment, nous avons proposé à nos collaborateurs une formation en premiers secours en santé mentale qui a connu un franc succès (sans compter celle sur les gestes qui sauvent avec, en un an, déjà 18% des salariés formés). Beaucoup de personnes sont confrontées, dans leur vie professionnelle et personnelle, à des personnes souffrant de troubles de santé mentale. J’ai trouvé ce sujet suffisamment important pour l’inscrire à notre plan de développement des compétences.
Quel est votre crédo en tant que DRH ?
La mesure de l’action et l’amélioration continue. Je me suis toujours inspirée des bonnes pratiques, d’où qu’elles viennent. Par exemple, lorsque j’ai mis en place la politique Santé & QVT à l’Afnor, je me suis inspirée de la norme québécoise « Entreprise en santé » sur la prévention et la promotion de la santé de 2008, devenue en 2020 une norme canadienne et qui devrait devenir, d’ici deux ans, une norme internationale. Je préside d’ailleurs la commission de normalisation en France sur le management des ressources au titre de l’ANDRH – où les travaux ont lieu sur cette future norme. Comme DRH, en ayant de bonnes politiques RH, on a un impact sur tout : la qualité de ce qui est produit, les résultats financiers… Le positionnement des RH au Comex en dit d’ailleurs beaucoup sur la considération des femmes et des hommes dans l’entreprise, comme c’est le cas au sein du Groupe Afnor.
Un dernier mot sur votre engagement au sein de Plaine Commune Promotion ?
Depuis plus de trente ans, Plaine Commune Promotion fédère les acteurs économiques et les collectivités territoriales de 9 communes en Seine-Saint-Denis. J’ai en effet l’honneur d’être vice-présidente de cette association et présidente du Club des DRH depuis 2017. Le Club des DRH réunit les signataires de la Charte entreprise-territoire, employeurs locaux ou partenaires qui souhaitent s’engager pour le développement du territoire de Plaine Commune. À travers des échanges réguliers, l’ambition est de développer les synergies et de créer une énergie positive sur le territoire.
Association loi 1091, l’Afnor, chargée d’une mission d’intérêt général, constitue avec ses filiales un groupe international au service du développement durable. Le groupe de 1 270 collaborateurs, dont 21% à l’international, compte 37 implantations dans le monde et 68 000 clients. Il conçoit des solutions fondées sur les normes volontaires, sources de progrès et de confiance depuis 1926. Sa vocation est d’accompagner les organisations et les personnes pour diffuser cette confiance. Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site afnor.org