le 2 septembre 2021
L’entreprise à mission : mode d’emploi
Née en 2019 lors de la promulgation de la loi PACTE, l’entreprise à mission a récemment fait parler d’elle avec l’affaire Danone. Près de 150 entreprises ont endossé ce statut avec pour objectif de s’engager réellement dans une transformation de la société. Non sans contrainte. Focus sur ce modèle.

L’entreprise à mission a légalement vu le jour avec la Loi PACTE, relative à la croissance et à la transformation des entreprises, promulguée en 2019. Ce texte vient modifier la définition même de la société dans le Code civil et le Code du Commerce et rompt avec le seul intérêt des associés. Il impose ainsi « une gestion qui considère les enjeux sociaux et environnementaux »

Cette réforme inédite permet à une entreprise d’inscrire dans ses statuts une mission, qui se compose d’une raison d’être et d’objectifs associés, voulus comme autant d’engagements de l’entreprise envers elle-même et son écosystème. « Définir sa raison d’être est la première étape du processus d’engagement, la seconde est d’endosser le statut d’entreprise à mission, explique Frédéric Bardeau, Président et co-fondateur de Simplon.co. C’est le commencement de ce que peut faire une entreprise ».

Un modèle hors du commun

La mise en place d’une entreprise à mission s’accompagne de l’instauration d’un dispositif de gouvernance spécifique, intitulé « le comité de mission » et composé d’au moins un salarié et de personnalités externes à l’entreprise, ainsi que d’une évaluation sous forme d’audit d’un organisme tiers indépendant (OTI). 

Ce modèle s’inspire de plusieurs expériences menées aux États-Unis : la benefit et la social purpose corporation. Mais le système français s’écarte de ces deux innovations notamment sur l’opposabilité de la mission aux dirigeants et actionnaires, sur le contrôle externe de la réalisation de la mission et sur l’existence du comité de mission. 

Selon Kevin Levillain, membre du conseil scientifique de la Communauté des entreprises à mission et Enseignant chercheur à Mines ParisTech, « la société à mission constitue une innovation juridique qui fait de la France un pionnier de la gouvernance responsable des entreprises, en protégeant leurs ambitions sociales et environnementales ».

Un triplement des entreprises à mission en six mois

Un Observatoire des entreprises à mission a été publié en début d’année et dresse un portrait des sociétés qui ont endossé ce modèle. En janvier 2021, on comptait 150 entreprises à mission. Soit un triplement en six mois. « Le nombre d’entreprises à mission a triplé en six mois, souligne Anne Mollet, Directrice générale de la Communauté des entreprises à mission. La crise Covid a eu un effet accélérateur, car de nombreux dirigeants ont réalisé qu’ils devaient faire leur part dans la contribution à relever les grands défis sociaux et environnementaux. L’entreprise constitue un bon niveau pour agir sur ces questions ».

Sur le plan de la répartition des entreprises, la distribution des tailles des sociétés à mission reflète celle du tissu des groupes français. Et la grande nouvelle reste qu’il ne s’agit ni d’une forme réservée aux grandes, ni aux petites. Les PME et TPE y sont pour l’heure majoritaires mais les ETI et les grands groupes rejoignent peu à peu le mouvement. Le décalage s’explique par un process de prise de décision plus long dans ces entreprises, indique l’étude.

Des approches multiples

Le rapport montre également que les sociétés de services sont plus largement représentées, même si tous les milieux y ont leur place. « Tous les secteurs d’activité s’y intéressent : la finance, la cosmétique, l’immobilier, ou encore l’industrie avec par exemple Aigle dans l’industrie textile, ou le Groupe Cheval dans le BTP », complète Anne Mollet. 

Les entreprises qui se transforment visent des « approches multiples ». 36 % des sociétés à mission expliquent leur démarche par l’envie « d’adresser des enjeux de transition (sociale, écologique, économique) ». Elles sont aussi motivées par des enjeux plus précis : « préserver des écosystèmes naturels ou des biens communs », « consolider les relations avec l’écosystème » (chaîne de valeur, partenaires, clients, ONG…), « améliorer l’engagement des collaborateurs et la marque employeur » et « pérenniser des engagements » (face à des changements potentiels d’actionnaires / direction).

L’entreprise à mission, un modèle d’avenir ?

Enfin, le baromètre précise qu’à l’origine de la détermination de la mission de l’entreprise, on retrouve « presque toujours » la vision du dirigeant (93 %). Les salariés, encore peu nombreux à être sollicités, ne « co-construisent » le projet avec la direction que dans 58 % des cas. « Le plan stratégique de l’entreprise doit être conforme à la mission et pas le contraire, assure la Directrice générale. La mission est inscrite dans le marbre pendant cinq à dix ans. Elle constitue la boussole, le cap de l’entreprise »

Pour Anne Mollet, il ne fait aucun doute que « d’ici à dix ans, les entreprises n’auront d’autres choix que d’être entreprise à mission, car la société le réclame. Orienter dès maintenant son activité en répondant à des objectifs clairs permettra aux entreprises d’être performantes sur le long terme ». Un regard partagé par Frédéric Bardeau qui estime que ce « modèle constitue un référentiel de qualité auprès des clients et des partenaires et un élément différenciant par rapport aux concurrents ».