le 14 décembre 2023
Handicap : passons de l’intention à l’action !

Philippe Bouchard

Directeur Général de Kliff par Randstad

Bien que des progrès aient été accomplis, le taux de chômage des personnes en situation de handicap atteint toujours 12% en 2022, soit près du double de celui de la population active. Le taux d’emploi direct dans les entreprises privées stagne à 3,5% depuis plusieurs années. En négligeant les compétences de ces travailleurs sur un marché de l’emploi en pénurie, les entreprises se privent d’un vivier de candidats exceptionnel.

Au fil des années, certaines entreprises, associations et le service public de l’emploi ont fait un travail remarquable pour mettre en lumière l’inclusion des personnes en situation de handicap et faciliter leur intégration professionnelle. Mais force est de constater que sur le terrain, ce sont les managers opérationnels tels que les chef(fe)s d’équipe, les responsables d’usine ou les chef(fe)s de service etc. qui demeurent les véritables acteurs de l’inclusion. À condition qu’ils se sentent concernés… et soutenus par une politique d’entreprise volontariste ! Dans son étude “emploi et handicap”, le Cercle Vulnérabilités et Société rappelle qu’il existe un écart de perception entre les dirigeants qui surestiment l’engagement de leur organisation vis-à-vis du handicap et les managers qui, pour un tiers d’entre eux, ne savent pas situer cette cause sur l’échelle des priorités de l’entreprise.

 

Un niveau de maturité encore insuffisant

Il persiste en effet un décalage de maturité entre les directions générales et les ressources humaines qui affichent de nobles intentions, et la réalité du terrain où subsistent de nombreuses réticences. La méconnaissance et les préjugés des managers et des collectifs de travail demeurent les principaux freins à l’embauche de candidats en situation de handicap, avec 67% des employeurs considérant l’embauche de personnes handicapées comme « difficile ».

Pourtant, la France a su créer des outils nouveaux tels que le CDD tremplin, le nouveau motif de recours à l’intérim lié au statut de travailleur handicapé du candidat, ou encore l’entreprise adaptée de travail temporaire pour inciter les employeurs à passer à l’action.

 

Déconstruire les préjugés et faire preuve de pragmatisme

Les singularités ne s’arrêtent pas au seuil des usines ou des bureaux. Plus d’un Français sur sept souffre d’une pathologie relevant du handicap, et 85% des handicaps surviennent pendant la vie active. Avec plus de 80% de handicaps invisibles, nous en côtoyons forcément sans le savoir dans nos organisations. Pour faire tomber les fausses croyances, il est primordial de passer à l’action. Pour attirer les jeunes talents, les employeurs sont prêts à offrir plus de flexibilité ou à adopter des méthodes nouvelles de travail collaboratives. Pour fidéliser leurs salariés, certains managers sont capables de déconstruire leurs schémas de pensée traditionnels pour prendre en compte les contraintes de chacun dans l’organisation d’équipe. Pourquoi les personnes handicapées ne bénéficieraient-elles pas de la même attention ­?

Cela demande simplement de prendre en compte les particularités liées au handicap. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’aménagement physique du poste est rarement nécessaire. Or peu d’entreprises vont jusqu’à proposer une adaptation des fonctions ou de l’organisation aux travailleurs handicapés. Jusqu’où sommes-nous prêts à repousser les limites ? Il est crucial d’avancer avec pragmatisme et humilité pour que cela fonctionne. Déconstruisons le mythe du super salarié et explorons de nouveaux viviers de compétences, quitte à les former.

 

La mise en situation de travail, l’emploi accompagné, le Duoday et d’autres initiatives contribuent à aider les professionnels à se projeter dans l’intégration d’une personne en situation de handicap au sein de leur équipe. La Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées (SEEPH) bénéficie chaque année d’une belle visibilité, mais il est essentiel de maintenir cette mobilisation tout au long de l’année. L’objectif du plein emploi doit profiter à toutes et tous. Pour obtenir des résultats concrets, faisons de l’inclusion une grande cause nationale avec l’ambition de susciter une impulsion collective. 

 

Tribune initialement publiée le 14 décembre 2023 dans le quotidien économique français Les Echos.