le 4 janvier 2021
Le chômage se combat dans les territoires par les compétences

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L’impact potentiel de la crise du Covid-19 sur l’emploi donne le vertige. Sur les six premiers mois de l’année 2020, 815.000 emplois détruits, et un taux de chômage qui pourrait flirter avec les 11 % en 2021. Le constat est glaçant, la déflagration violente. Pourtant, chaque jour, sur tout le territoire, des entreprises peinent à recruter les talents dont elles ont besoin. Ce paradoxe n’est pas nouveau. Mais la crise que nous traversons le rend plus incompréhensible encore.

L’inadéquation des compétences des demandeurs d’emploi face aux besoins des entreprises est un sujet éminemment complexe. Cet enjeu, qui peut paraître global, est en réalité très local. Pour lutter efficacement contre le chômage, tout se joue dans un rayon de 50 kilomètres. En outre, les compétences recherchées sont aussi une réalité mouvante. Il suffit, dans un bassin d’emploi, qu’une entreprise ferme ou qu’une autre s’implante pour que les attendus en matière de savoir-faire changent radicalement.

Nouvelle approche de formation

L’équation est simple : pour faire coïncider les offres d’emploi des entreprises avec les compétences et les aspirations des individus, il faut très souvent former. Et la formation devient très efficace dans la lutte contre le chômage , à condition que sa mise en application s’opère bassin d’emploi par bassin d’emploi.

La crise que nous traversons doit être une opportunité de revoir en profondeur notre approche de la formation. En replaçant l’individu et l’entreprise au centre.

Ainsi, au-delà de sa nécessaire adaptation aux besoins des territoires , c’est toute l’approche de la formation en France qu’il faut revoir. La culture française est celle de la formation à un métier. Plus facile à mettre en oeuvre, car plus standardisée, elle passe sous silence les nombreuses capacités acquises par un individu tout au long de son parcours de vie. A l’approche par métiers, il faut substituer une approche par compétences . Plus pragmatique, plus efficace, elle permet une optimisation de la montée en compétences et un retour à l’emploi plus rapide, le tout pour un coût de formation drastiquement réduit.

Référentiel national

Ce changement de perspective implique deux choses. D’abord de créer un référentiel commun, national, suffisamment exhaustif pour que chaque métier, et ses évolutions, puisse être décliné en fonction des compétences techniques et comportementales qu’il requiert. Ensuite, d’accompagner ce changement de culture auprès des entreprises pour qu’elles ne recherchent plus un technicien de maintenance, mais un candidat robuste en mécanique, en systèmes électriques, doué d’une bonne capacité d’écoute et d’un esprit d’équipe. Ce changement commence à s’opérer. Le groupe Randstad forme 35.000 personnes chaque année, dont 4.000 dans le cadre de parcours de plusieurs mois, conçus sur mesure, adaptés aux besoins et à la réalité propre de chaque client.

Le recensement et l’évaluation des compétences de chaque individu permettront de mettre en place des plans de formation locaux, adaptés aux réalités de chaque bassin d’emploi.

Je sais que nous partageons cette vision avec certains acteurs publics et privés de l’emploi et de la formation. Pôle emploi, notamment, y fait régulièrement référence. Mais, si cette approche par la compétence est, j’en suis sûr, redoutablement efficace, elle ne peut aboutir si les forces sont dispersées. Nous avons nos propres outils d’analyse des bassins d’emploi. Nous avons déjà établi notre propre référentiel de compétences. En tant qu’acteurs de terrain, nous sommes au contact des entreprises et des talents, et nous savons leurs besoins et leurs aspirations. D’autres aussi, mais notre force de frappe est trop diluée. Il faut dépasser nos querelles de chapelle : c’est tous ensemble que nous devons agir.

La transformation des métiers est amplifiée par cette crise et rend cette révolution culturelle plus urgente encore. Elle doit agir comme un électrochoc. Au-delà de la réduction du taux de chômage, notre capacité collective à créer de la valeur et à transformer notre économie permettra de répondre aux défis de ces prochaines années.

Frank Ribuot

Président du groupe Randstad France.

Tribune initialement publiée dans Les Echos le 31 décembre 2020.